Allée centrale de la Bibliothèque

En entrant dans la bibliothèque, vous verrez sur votre droite quelques canapés et sur votre gauche une réception tout ce qu'il y a de plus banal. Lucinda Antonelli, la bibliothécaire, se trouvera sans aucun doute installée derrière son écran d'ordinateur si elle n'est pas partie ranger des livres dans les rayons. Il s'agit d'une vieille dame aux cheveux blancs avec une paire de lunette perchée sur son nez fin lorsqu'elle travaille. Elle a un air doux de gentille grand-mère attentionnée. Elle vous accueillera toujours avec le sourire et renseigne très volontiers toutes les personnes venant dans son antre. 

Si vous continuez tout droit, vous vous retrouverez dans l'allée centrale de la bibliothèque. Au-dessus de votre tête se trouvent des voutes de pierre soutenues par de solides piliers. Sous les voutes se trouvent des tables mises à la disposition des personnes désirant travailler sur place, comme, par exemple, les étudiants. Contre les murs se trouvent des étagères remplies d'oeuvres diverses. Lucinda veille toujours à ce que chaque livre soit à sa place et, grâce à son travail remarquable, il est très simple de trouver ce que l'on cherche. 

13 Septembre
08h05

13 Septembre – 8h05
Dans le rôle de Alda Massari

Alda n'avait vraiment ni le temps ni la motivation pour faire ce genre de chose. Elle traversa Ardenza vêtue de son éternelle robe rouge, portant sous son bras gauche une feuille plastifiée et dans sa main droite un petit trousseau de clé qui ne lui appartenait même pas. La veille, la voisine de la bibliothécaire l'avait appelée affolée, lui annonçant que Lucinda Antonelli avait fait un malaise alors qu'elles étaient en train de discuter. Alda n'avait pas hésité à se rendre sur place pour prodiguer les premiers soins nécessaires, mais elle ne s'attendait pas à l'appel qu'elle reçut le lendemain matin : un employé de la mairie l'appelait pour savoir ce qu'elle avait fait des affaires personnelles -parmi lesquelles se trouvait un trousseau de clé- de Lucinda. Etant donné qu'elle n'avait pas encore eu le temps de faire des recherches pour remettre lesdites affaires au premier membre de la famille Antonelli qu'elle trouverait, Alda les avait conservées. Comme si de rien n'était, l'employé lui avait alors demandé de s'assurer que les lumières à l'intérieur de la bibliothèque soient éteintes. Il lui avait également demandé si elle pouvait "au passage" suspendre une pancarte sur la porte de la bibliothèque pour informer les habitants d'Ardenza de l'absence imprévue de Lucinda. Alda n'avait pas hésité à demander s'il s'agissait d'une blague : apparemment, ce n'en était pas une. La mairie avait égaré le double des clés de la bibliothèque... Quelle belle bande d'empotés !

Se déplaçant comme une ombre, la pharmacienne tourna au coin de la rue pour rejoindre l'entrée de la bibliothèque. Son visage était encore plus renfermé qu'en temps normal. Seuls ses yeux verts exprimaient son mécontentement. Debout devant la porte de bois, un homme avait interpelé une passante pour savoir où se trouvait Lucinda. Alda observa le trentenaire et s'approcha de lui aussi discrète qu'une petite souris invisible. Elle le reconnut : il s'agissait du libraire qu'elle avait eu l'occasion de croiser à plus d'une reprise lorsqu'elle avait été acheter des livres dans sa boutique. Ils n'avaient cependant jamais réellement discuté, se contentant d'échanger de banales phrases de courtoisie. La jeune femme qui avait été interpelée et questionnée par le jeune homme haussa les épaules et s'apprêta à répliquer lorsqu'Alda prit la parole, la coupant dans son élan. La pharmacienne n'avait jamais à lever la voix pour se faire entendre, et même lorsque quelque chose ne lui plaisait pas, elle le faisait savoir sur un ton étonnamment calme. La douceur de sa voix contrastant avec la froideur de son regard, elle s'adressa au libraire :

"Lucinda a été envoyée à l'hôpital le plus proche. Rien de grave, ne vous en faites pas, elle s'en remettra. Je pense qu'elle sera sur pieds d'ici la fin de la semaine." Se tournant vers la jeune femme, elle lui dit : "Vous pouvez poursuivre votre chemin, ma chère." L'intéressée la remercia, souhaita une bonne journée au libraire et à la pharmacienne puis s'en alla. "Je vais vous ouvrir la porte afin que vous puissiez déposer votre lourd fardeau sur le bureau de Lucinda Monsieur... Cabreri, c'est cela ?" demanda-t-elle bien qu'elle fusse quasi certaine de ne pas se tromper. Tout en disant cela, elle s'était approchée du panneau de bois, passant devant le libraire, et avait déverrouillé la porte avant de l'ouvrir. Elle invita d'un geste de la main le trentenaire à entrer.